Dernier voyage de Médard AUTSAI ASENGA, à l’étape de Kisangani, son héritage politique dévoilé par l’un de ses anciens ministres

Redaction
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Né le 2 janvier 1942 dans son Aru, l’honorable Médard AUTSAI ASENGA quitte la terre des hommes à l’âge de 82 ans. Il laisse derrière lui un grand héritage. Sa dépouille mortelle est arrivée à Kisangani ce dimanche 15 décembre 2024 pour permettre aux boyomaises et boyomais de lui rendre les derniers hommages dignes de son rang. Le cadre choisi est l’esplanade du cabinet du gouverneur de la province de la Tshopo en présence du vice-gouverneur Didier LOMOYO Iteku, le gouverneur de la province du Haut-Uele Jean BAKOMITO Gambu, le président de l’Assemblée provinciale de la Tshopo, le chargé des missions du chef de l’État dans l’espace grande orientale, de l’archevêque métropolitain de Kisangani monseigneur Marcel UTEMBI Tapa, les anciens ministres provinciaux et collaborateurs de l’illustre disparu sans oublier les membres de sa famille biologique.

KANGA, LOMOYO, BAKOMITO et BAITWAPALA

A cette occasion, plusieurs personnalités ont pris la parole pour témoigner des actions de l’ancien gouverneur de la province orientale de 2007 à 2012.
C’est le cas du professeur Jean-Claude ESUKA ALFANI( Actuellement directeur général de l’ISC Kisangani) qui a été ministre provincial en charge l’agriculture, environnement, affaires foncières, urbanisme et habitat, porte parole du gouvernement provincial sous Médard AUTSAI ASENGA. Son témoignage résume la vie politique de celui que l’espace grande orientale pleure aujourd’hui.

D’entrée de jeu, le professeur ESUKA affirme que la géopolitique de la province, le gouverneur AUTSAI y était très regardant dans la composition de ses différents gouvernements. Dans ce principe, il avait réparti deux postes ministériels par district. Ce qui faisait 8 postes ministériels. Tandis que les deux autres postes étaient réservés à son pouvoir discrétionnaire.
Ainsi, lors de la formation de son premier Gouvernement, les forces politiques en présence n’avaient pas respecté les recommandations faites par le chef du gouvernement en terme de représentativité des districts. A titre d’exemple, le Mouvement Social pour le Renouveau, MSR du regretté Pierre LUMBI qui avait le quota de deux postes lesquels devaient venir du Haut-Uele et de la Tshopo avait plutôt proposé quelqu’un de l’ituri à la place de la Tshopo. Ce qui devrait créer un déséquilibre au sein de son gouvernement. Pour respecter les équilibres provinciaux, le gouverneur de province avait été obligé de prendre un arrêté provincial nommant une partie des membres du gouvernement 8 sur 10 en attendant que les forces politiques se conforment à ses recommandations. C’est seulement deux mois plutard qu’un autre arrêté a été promulgué pour compléter le premier pour en faire 10 membres du gouvernement provincial.


En outre, par rapport à la représentativité de l’ituri au sein de son gouvernement provincial, le gouverneur AUTSAI était formellement dans le quota de trois ministres réservés à l’ituri par la présence d’un ministre de la communauté Lendu, d’un ministre de la communauté Hema et d’un ministre de la communauté Alur. Comme il était du territoire d’Aru, ce territoire n’avait jamais été représenté dans les différents gouvernements provinciaux. Et il le justifiait par le fait que lui était déjà à la tête de la province, chef du gouvernement, le territoire d’Aru ne pouvait plus avoir un poste au sein de ce Gouvernement. La communauté de Mambasa absente dans le gouvernement provincial était constamment représenté par un conseiller politique dans son cabinet en la personne de l’honorable Abdallah Pêne MBAKA.
Ensuite, pour avoir été élu plusieurs fois commissaire du peuple député national dans la circonscription électorale d’Aru dans le district de l’ituri, l’Honorable AUTSAI ASENGA avait un ancrage sur son Aru et Ituri natal. Mais élu Gouverneur, il savait se départir par moment des instincts identitaires pour raison d’efficacité. Il s’agit assurément d’un devoir citoyen pour un homme d’État.
 » Lorsque nous faisions partie de son premier gouvernement, nous nous sommes retrouvés comme le ministre le plus faible, le plus fragile de son gouvernement sur les 10. Parce que tous les 9 ministres se retrouvaient dans l’origine politique et géographique du gouverneur et du vice-gouverneur. J’étais l’unique qui n’était ni du parti politique du gouverneur ou du vice-gouverneur ni de son district. Mais comme il tenait sur l’efficacité, par la suite j’étais devenu le ministre le plus incontournable jusqu’à la fin de son mandat », explique Jean-Claude ESUKA ALFANI.
En outre, honorable Médard AUTSAI ASENGA était un homme doué, un habitué exceptionnel aux compromis pour l’intérêt de la population. Il cite à titre illustratif les négociations avec l’église catholique au sujet de l’espace foncier compris entre le collège MAELE et le lycée technique MAPENDANO appartenant légalement à l’église catholique sur base des titres acquis avant l’indépendance, espace malheureusement spolié et occupé illégalement par la population. L’église catholique cherchant à être rétablie dans ses droits les plus légitimes en deguerpissant tous les occupants illégaux de sa concession. Informé de cette démarche de l’église bien que fondée, le gouverneur AUTSAI entreprendra des négociations avec l’église catholique au vu de l’ampleur de la décision du déguerpissement causerait aupres de la population. Ces négociations aboutiront à un compromis lequel avait permis à l’église catholique d’obtenir une concession à titre compensatoire au lotissement SEGAMA. C’est ce qui avait permis à ce que la population puisse rester dans cet espace -la.

Aussi, il faudra signaler que contrairement aux préjugés que les gens pouvaient avoir sur ses capacités intellectuelles probablement dues à son âge, le gouverneur AUTSAI étant un homme très intelligent et très expérimenté en matière politique, dans son cabinet et dans son gouvernement, il y avait des intellectuels de tous les calibres voire des professeurs d’université. Il était capable de lire tous les papiers qu’on lui présentait, toutes les notes techniques et d’y apporter des corrections sur la forme et le fond.

En ce qui concerne l’instauration de l’autorité de l’État et l’affirmation de son pouvoir dans l’arrière province, le gouverneur AUTSAI avait mis en place une stratégie de gouvernance et des actions de développement caractérisée notamment par la tenue rotatives des réunions des conseils des ministres accompagné des membres du comité provincial de sécurité, conseil des ministres qui devait se préoccuper essentiellement des problèmes relatifs aux districts concernés. En même temps, dans l’objectif d’assainir l’environnement dans les chefs-lieux des districts et des territoires ( nous connaissons très bien l’état d’assainissement dans les chefs-lieux de nos territoires. Dans la plupart des cas, les immeubles sont engloutis par la haute herbe et pour assainir cet environnement, dans sa stratégie de gouvernance, le gouverneur de province était obligé de créer des brigades d’assainissement, de soutenir financièrement ces brigades au niveau des chefs-lieux des territoires et des districts. Parce que les territoires et les districts étant des entités territoriales déconcentrées sont constamment confrontées aux difficultés financières.
C’est dans le même ordre d’idée qu’un programme de construction et de réhabilitation de deux centres de santé et de deux écoles par territoire avait été implémenté. Ce programme dans sa première phase avait prévu de construire ou réhabiliter 48 centres de santé et 48 écoles à travers la province. Il est vrai qu’au vu de l’immensité des défis, ces résultats pouvaient paraître comme une goutte d’eau dans l’océan.

Enfin, il sied de rappeler que son leadership éclairé et clairvoyant ainsi que son influence politique sur l’échiquier national avait permis à certains membres de son gouvernement de bénéficier des fonctions au niveau du gouvernement de la République. Nous pouvons citer à titre illustratif, la nomination du ministre provincial de l’intérieur Joas MBITSO NGENZA en fonction comme vice-ministre des finances du gouvernement central ; la nomination du ministre provincial Crispin ATAMA TABE MOGODI en fonction comme ministre d’abord des hydrocarbures du gouvernement central et ensuite ministre de la défense, la nomination de l’ex ministre provincial des ITPR Raymond TSHEDIA PATAY, devenu par la suite député national, comme vice-ministre des affaires étrangères du gouvernement de la République ; la montée fulgurante du conseiller politique l’Honorable Abdallah Pêne MBAKA d’abord comme commissaire spécial ensuite comme gouverneur de la province de l’ituri. Nous ne pouvons passer sous silence, d’après les informations concordantes, son implication pour la nomination du professeur Bonaventure CHELO comme ministre de l’enseignement supérieur, universitaire et de la recherche scientifique.

FROK