Dans un communiqué de presse parvenu ce vendredi 13 décembre 2024 à la rédaction de depechesdelatshopo.com, l’ONG Actions pour la Justice, la Démocratie et les Droits Humains fait une analyse critique sur
le discours du président Tshisekedi prononcé les deux chambres du parlement réunies en congrès le 11 décembre 2024 à Kinshasa, un discours présenté comme une évaluation des progrès
réalisés et des engagements pour l’avenir suscitant de nombreuses interrogations.
Pour L’AJDDH, cette analyse vise réveiller la conscience civique et critique des congolais autour de ce qu’elle qualifie « des
incohérences, omissions et les contradictions dans les thèmes abordés, notamment la
sécurité, la révision constitutionnelle, les infrastructures, la gestion économique et le
rôle des Wazalendo. »
1. Les Wazalendo et la question sécuritaire.
Le président a salué le rôle des Wazalendo, présentés comme des forces patriotiques
résistantes contre les agressions étrangères, notamment celles du M23 soutenu par
le Rwanda. Cependant :
Contradictions : Alors que le Président Tshisekedi met en avant la bravoure
des Wazalendo, il n’a pas présenté de plan concret pour les encadrer, les former
ou les intégrer dans les structures formelles de sécurité nationale. Cette
omission laisse planer des doutes sur la durabilité de leur contribution à la
stabilité et des craintes sur les éventuels brassages qui pourraient en résulter.
Par ailleurs, ces groupes sont accusés d’exactions et multiples violations des
droits humains et ce, en toute impunité car ils ne sont légalement redevables
auprès d’une quelconque hiérarchie formelle ni des forces armées, ni des
institutions politiques.
Réalité sur le terrain : Malgré ces efforts loués par le Président, l’insécurité
persiste dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, où des groupes armés
continuent de semer la terreur et d’étendre leur zone d’Actions et d’influence ;
plus de 120 entités sont occupées par les rebelles du M23-AFC. A ce jour la
mesure exceptionnelle de l’état de siège, en place depuis trois ans, semble
inefficace, ce qui rend les louanges à ces initiatives peu crédibles.
2. La révision constitutionnelle
Le président a réaffirmé son intention de lancer un processus de révision
constitutionnelle en 2025, présentant cette initiative comme un moyen d’adapter la loi
fondamentale aux réalités actuelles du pays. Cependant :
Soupçons de motivations politiques : La majorité des analystes craignent
que cette réforme entamée au second mandat, ne soit qu’une tentative de
modifier les dispositions verrouillées de la Constitution, notamment celles liées
au nombre et à la durée du mandat du Président de la République. Cela pourrait
ouvrir la voie à une prolongation du pouvoir, en contradiction avec les principes
d’alternance, pilier important de la consolidation de la démocratie.
Manque de consensus : L’opposition et la société civile, à travers des figures
comme Martin Fayulu, Delly Sesanga et Moïse Katumbi, dénoncent une
absence de dialogue inclusif sur un sujet aussi crucial.
3. Les infrastructures : un flou persistant
Le président a annoncé de grands projets d’infrastructures, notamment la construction
de 7 000 km de routes dans le cadre du programme « minerais contre infrastructures
» et des investissements pour développer des axes stratégiques. Toutefois :
Chiffres vagues : Aucune précision n’a été apportée sur les zones concernées
par ces travaux ni sur leur financement, encore moins leurs durées d’exécution,
au-delà de généralités sur la participation des entreprises chinoises.
Projets réchauffés : Plusieurs des routes mentionnées (comme Mbuji-Mayi–
Nguba ou Bukavu–Goma) figuraient déjà dans des discours précédents sans
qu’aucune avancée significative ne soit constatée.
4. L’économie : inflation et précarité
Le président a mis en avant des avancées économiques, comme une croissance
prévue à 6 %, un partenariat renforcé avec le FMI et la stabilisation des réserves
internationales. Cependant :
Inflation galopante : Malgré les efforts annoncés, l’inflation a atteint des
niveaux supérieurs à 11 %, avec une dépréciation continue du franc congolais.
Les mesures fiscales (suspension de la TVA sur certains produits) ont eu un
impact limité sur le pouvoir d’achat des ménages.
Déconnexion des réalités : Les annonces de projets macroéconomiques
comme le Programme de Développement des 145 territoires masquent
l’incapacité du gouvernement à répondre aux besoins immédiats, notamment la création d’emplois.
5. Une gouvernance contestée
Malgré les engagements en faveur de l’État de droit, des critiques subsistent
concernant :
– L’impunité : Les promesses de lutte contre la corruption n’ont pas été suivies
d’actions convaincantes. Les scandales liés aux fonds publics continuent
d’affaiblir la confiance citoyenne.
– Gestion des institutions : Les réformes judiciaires avancent à un rythme lent,
et les nominations dans des postes clés sont souvent accusées d’être basées
sur des critères politiques plutôt que méritocratiques.
Ce discours, bien que riche en promesses, reste marqué par des contradictions et un
manque de suivi concret. La révision constitutionnelle envisagée soulève des
inquiétudes quant à la consolidation de la démocratie, tandis que les progrès en
matière économique et de sécurité sont loin de satisfaire les attentes de la population. Ainsi, l’AJDDH appelle à une vigilance accrue pour s’assurer que les actions du
gouvernement soient alignées sur les besoins réels des citoyens et respectent les
principes de transparence et d’équité, conclut le communiqué signé par Jedidia Mabela, le Directeur exécutif de l’AJDDH.